Publié le 27 juillet 2010 par Franck Perrier
Alors que la crise autour de la catastrophe pétrolière semblait s’essoufler et que BP s’investissait à soigner sa e-réputation, le CEO Tony Hayward est aujourd’hui poussé à abandonner son poste au sein d’un groupe en mauvaise posture financière. La mise à l’écart de Tony Hayward, à laquelle est venue s’ajouter ce mardi une nouvelle action de terrain de Greenpeace dans les stations essence londoniennes de BP, a à nouveau placé le groupe pétrolier parmi les sujets à la une sur Twitter.
Depuis un peu plus de 3 mois, le groupe pétrolier BP est confronté à ce qui s’annonce comme l’une des catastrophes pétrolières les plus importantes de l’histoire des Etats-Unis. Une pression énorme pèse sur les épaules de la société : celle des citoyens du monde entier, celle des hommes politiques dont Barack Obama, et enfin celle des internautes.
On comprend à travers cette crise toute la force d’Internet et des médias sociaux comme caisse de résonnance d’événements pourtant nés en dehors d’Internet.Il me semblait donc intéressant d’analyser l’impact de la communication de crise de la société, en particulier son utilisation d’Internet et des médias sociaux sur son image et sa E-réputation : décryptage.
Stratégie digitale de BP sur Internet
Pour ne pas être dépassé par les évènements et pour adresser les contestations, BP a décidé de mettre en place une véritable stratégie digitale pour sa gestion de crise. Sites Internet, vidéos, utilisation des réseaux sociaux : la stratégie est globale et affichée. David Nicholas, porte-parole de BP, explique ainsi dans un email à l’agence Reuters le 6 mai 2010 l’utilité des médias sociaux pour le groupe pétrolier :
« We want to ensure that we can get out information about the response to this incident and spill as rapidly and widely as possible (…) Twitter is a clearly popular medium that can complement other, more traditional, communication efforts. »
BP sur Facebook
BP avait créé sa page Facebook avant la catastrophe. Peu animée jusqu’alors, BP l’utilise désormais pleinement pour sa communication de crise, d’une part pour donner des informations de dernière minute, et d’autre part pour se défendre face aux attaques des internautes. Cette page fan rassemble aujourd’hui plus de 37 000 internautes.
On trouve un exemple symbolique de l’utilisation de Facebook par BP le 2 juin 2010 : après avoir prononcé une phrase maladroite quelques jours plus tôt (“I want my life back”), le CEO Tony Hayward prit la parole sur Facebook pour s’en excuser .
BP sur Twitter
Sur son compte Twitter, BP a également été très réactif depuis la catastrophe (12 tweets dans la seule journée du 2 mai, contre seulement 3 tweets en avril 2010). Aujourd’hui, BP a déjà plus de 1 500 tweets à son actif et partage à un peu plus de 18 000 followers photos, cartes et infos de dernière minute, et répond parfois directement aux internautes.
BP sur YouTube et Flickr
BP a crée une chaîne YouTube le 18 mai 2010, sur laquelle elle partage des interviews d’employés et reponsables de BP, des explications techniques, des mini-reportages sur les opérations en cours sur le terrain.
Parmi les vidéos les plus regardées, une prise de parole de Tony Hayward le 3 juin 2010 récolte plus de 600 000 vues : les commentaires initialement désactivés sont en majorité négatifs. Face à cela, la réaction de BP est de demander aux internautes qui commentent de respecter la “commenting policy” affichée par BP.
La chaîne YouTube de BP comptabilise aujourd’hui 131 vidéos avec un nombre total de vues supérieur à 3 millions.
En complément de sa présence sur YouTube, BP a également créé un compte Flickr le 27 mai 2010, sur lequel l’album photo le plus important intitulé “Cleanup” regroupe 460 photos.
La stratégie digitale et médias sociaux de Deepwater Horizon Response
Très rapidement après la catastrophe, un commandement unifié a été mis en place, regroupant BP et des agences gouvernementales américaines. Le 23 avril, soit 3 jours après la catastrophe, était lancé le site Deepwater Horizon Response, qui fournit un flux actualisé d’informations et galeries photos et vidéos autour de la marée noire.
Ce site a également des ramifications sociales, animées par des employés fédéraux :
- Une page Facebook, qui donne régulièrement des informations sur la catastrophe, et qui est aussi utilisée pour répondre aux questions des internautes (plus de 39 000 followers).
- Un compte Twitter, avec déjà plus de 1 200 tweets et plus de 8 500 followers.
- Un compte Flickr.
Le 10 mai 2010, ce site a été utilisé pour une initiative originale, un appel aux bonnes idées : n’importe qui souhaitant venir en aide à BP peut faire des suggestions techniques, et BP assure que toutes les propositions seront étudiées. BP annonce avoir déjà reçu plus de 20 000 suggestions.
L’utilisation du site Corporate de BP
La catastrophe est présente sur la page d’accueil du site institutionnel de BP, sur lequel on retrouve également des liens vers la page Facebook et le compte Twitter de BP, ainsi qu’un lien vers Deepwater Horizon Response, le site officiel de la catastrophe.
BP a également dédié une partie de son site à la catastrophe, où l’on retrouve des articles détaillés sur les opérations menées par BP, les interventions de BP dans les médias, mais aussi photos, vidéos, cartes… On trouve même une section « Blog from the Gulf » dans laquelle des employés de BP racontent leur quotidien avec la catastrophe.
En supplément, BP a également mis en place 4 sites d’informations locales pour les Etats touchés par la catastrophe (Mississipi, Alabama, Louisiane et Floride), sur lesquels les internautes peuvent s’inscrire à un système d’alertes SMS.
BP face aux contestations
Sur les médias sociaux
Sur Facebook, les groupes et les pages de boycott contre BP se comptent par centaines, mais la page Boycott BP, avec plus de 840 000 membres, sort clairement du lot. Cette page a été mystérieusement supprimée pendant la journée du 28 juin avant d’être rapidement remise en ligne, sans éviter une polémique et des accusations de censure.
Toujours sur Facebook, la page Save The Gulf of Mexico, lancée par des journaux locaux du sud des Etats-Unis, fédère aujourd’hui 113 000 autres personnes.
Sur Twitter, une initiative a créé un buzz très important : le 19 mai, un faux compte Twitter usurpant l’idendité du service de relations publiques de BP a été créé, pour diffuser des messages cyniques et sarcastiques :
Très rapidement, le nombre de followers de ce compte (aujourd’hui plus de 187 000) a dépassé celui du compte Twitter officiel de BP. Le 24 mai 2010, Toby Odone, un porte-parole de BP, s’est exprimé dans le magazine Advertising Age sur cette usurpation d’identité :
« I’m not aware of whether BP has made any calls to have it taken down or addressed. People are entitled to their views on what we’re doing and we have to live with those. We are doing the best we can to deal with the current situation and to try to stop the oil from flowing and to then clean it up. »
Sur YouTube, BP n’a pas été plus épargnée : la requête « BP oil Spill » donne aujourd’hui plus de 147 000 résultats.
Parmi les vidéos arrivant en tête », on trouve un sketch parodique vu par 9,9 millions d’internautes, montrant l’incapacité des employés de BP à nettoyer une flaque de café renversé sur un bureau.
D’autres initiatives faisant appel aux internautes
La Louisiana Bucket Brigade, une association écologiste américaine, a lancé sur son site internet la Oil Spill Crisis map, une carte interactive où les habitants de la région sont invités à répertorier tous les effets de la marée noire dont ils sont les témoins.
Une autre initiative combinant dérision et mobilisation des internautes a été prise par Greenpeace UK : le 20 mai 2010, l’organisation mène une action choc au siège londonien du groupe pétrolier, et lance parallèlement le « Rebrand BP contest », une compétition invitant les internautes à proposer leurs logos détournés de BP, via un site et un compte Flickr dédiés.
Comment BP soigne sa E-réputation
Si la catastrophe a déjà des répercussions importantes sur les résultats financiers de BP, celles sur l’image du groupe ne seront surement pas négligeables. Une analyse du sentiment sur la marque BP du 16 juin au 14 juillet 2010 avec Twitter Sentiment montre ainsi que 59 % des twitts concernant BP sur cette période étaient négatifs.
Pour soigner sa e-réputation, BP ne s’est alors pas contenté de diffuser beaucoup de contenu “positif” ou neutre sur les médias sociaux pour contrebalancer la masse de réactions négatives des internautes. A partir du début du mois de juin, BP a acheté des mots clés liés à la marée noire sur les principaux moteurs de recherche, comme l’a expliqué Toby Odone, porte-parole de BP à ABC News le 5 juin 2010 :
« We have bought search terms on search engines like Google to make it easier for people to find out more about our efforts in the Gulf and make it easier for people to find key links to information on filing claims, reporting oil on the beach and signing up to volunteer. »
Selon les estimations des experts de Search Engine Watch, BP dépenserait 1 million de dollars par mois pour ses campagnes de search marketing via Google Adwords et YouTube.
Les marques au coeur des buzz négatifs
- Expert en social listening, Web3.0, l’IA et les réseaux sociaux
Franck Perrier est un expert de l’impact des technologies digitales sur les stratégies et process en communication. En 2009, il fonde l’agence digitale IDAOS puis en 2010 l’institut de formation DIGITALACADEMY. Depuis 2017, Idaos intègre l’intelligence artificielle dans ses applications de social listening et de modération en relation client.
3 Commentaires
Les commentaires sont fermés.
Emmanuel de Saint-Bon
27 juillet 2010 at 19 h 46 minRemarquable !
Je twitte et je tague.
Maxime Saada
28 juillet 2010 at 10 h 22 minExcellent post ! Bien construit.
Merci,
Mémoires des crises 2.0 : 2010 | Reputation Lab
12 mars 2014 at 21 h 22 min[…] Plus d’informations sur : https://www.idaos.com/actu/bp-demission-du-ceo-ou-lapogee-dun-buzz-negatif/ […]